Le ressort intime

La mémoire collective a retenu la participation d’écrivains français déterminés à s’opposer avec les armes de la poésie, de l’essai et de la nouvelle à l’occupation allemande et à la collaboration. L’historiographie a largement reconstitué les étapes de cette Résistance littéraire, qui a connu un sommet avec la publication en 1942 du Silence de la mer de Vercors. Ce récit et ceux qu’il a publiés également dans la clandestinité aux Éditions de Minuit présentent néanmoins un paradoxe : ils ne montrent guère des résistants accomplissant leur mission ou des réseaux de partisans participant à la lutte armée dans le maquis. Ils saisissent l’engagement à la source. Ils décrivent le moment clé où les personnages prennent conscience que le consentement à l’Occupation n’est plus légitime. Ce n’est pas le résistant acquis à la cause qui est au centre de l’action, mais le bystander lorsqu’il bascule de la complicité ou de l’indifférence à l’engagement. L’article rend compte de cette thématique dominante dans les récits de Vercors sous l’Occupation, d’une entrée en résistance invisible, confinée à l’espace domestique et qui ressort à l’intime.