La photo du GI viril : genre et photojournalisme en France à la Libération

Cultures et libérations
Par Mary Louise Roberts
Français

L’image d’un GI américain extatique entouré de femmes françaises en pleine adoration est devenue une icône de la libération de l’Europe en 1944. Ce type d’image est si fortement inscrit dans la mémoire américaine qu’il fonctionne comme une évocation des guerres « justes » du passé. Cependant la photo du GI contribue à la production d’une illusion. Non seulement elle nie certaines vérités concernant la Libération, mais elle neutralise des tensions politiques complexes. Si les Normands accueillent les GIs avec joie le jour J, des problèmes ne tardent guère à apparaître. Les bombardements intensifs et les combats sur le terrain laissent des milliers de civils affamés et sans abri, tandis que l’aide est lente à venir. Les libérateurs boivent trop, font trop de bruit, conduisent leurs jeeps trop vite, prennent part à des bagarres de rue et à des vols, et poursuivent les femmes locales de leurs assiduités. Précisément au moment où leur rôle politique de protecteurs de l’Europe les appelle à la « grandeur », sont proposées aux GI, et par la suite au public américain, des images photographiques qui les encouragent à se penser comme les maîtres du monde. Alors qu’ils en viennent à être perçus en termes genrés traditionnels comme des chevaliers aux brillantes armures, leur domination acquiert un caractère naturel et est assimilée à une « bonne » chose. Les normes de genre, telles qu’elles s’articulent dans les relations hétérosexuelles, contribuent par là à formuler les ambitions impériales américaines durant cette période cruciale d’un point de vue géopolitique.

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