Les grèves de mai-juin 1936 revisitées

Par Antoine Prost
Français

Cet article explique l’explosion sociale de 1936 par la convergence de trois mouvements, inscrits dans trois domaines et trois temporalités différentes : le temps court de la culture politique du Front populaire, où les occupations prolongent les manifestations de 1934-1936; le temps intermédiaire de la crise économique qui n’a pas pour conséquence de plonger la classe ouvrière dans la misère, mais de lui imposer des contraintes disciplinaires renforcées et des cadences de travail plus intensives; le temps long de la taylorisation enfin, qui a rendu possible cette surexploitation. Cette explication rend compte de la nature spécifique des conquêtes ouvrières de 1936, qui concernent d’abord le temps, mais elle n’épuise pas la signification des occupations et des fêtes qui les caractérisent. Il est proposé de la chercher non dans une contestation de la propriété des entreprises, mais de la nature du pouvoir patronal, qui n’est pas d’ordre privé comme celui d’un maître de maison chez lui, mais d’ordre public, et doit donc s’exercer selon des règles connues et acceptées. Les conventions collectives signifient précisément ce passage du travail industriel de la sphère privée à la sphère publique. Les grèves de 1936 marquent ainsi la délégitimation du paternalisme.

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