Les Juifs et la France en Tunisie.

Les bénéfices d'une relation triangulaire
Par Claude Hagège, Bernard Zarca
Français

Bien que tolérés par l’Islam après la conquête de l’Afrique du Nord, les Juifs de Tunisie y étaient dominés symboliquement. Ils n’eurent de cesse, dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, qu’ils n’obtinssent une amélioration de leur condition et de leur statut grâce aux interventions des puissances européennes présentes en Tunisie et ayant des visées colonisatrices sur le pays, notamment la France qui y instaura son protectorat en 1881. Cet article examine comment les Juifs essayèrent de tirer profit d’une relation triangulaire dans laquelle ils occupaient une position intermédiaire pour obtenir principalement de la France une transformation de leurs institutions, un changement de leur statut juridique, la facilitation des conditions de leur naturalisation, jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, et pourquoi ils échouèrent presque toujours dans leurs différentes démarches, cependant que l’implantation française en Tunisie allait radicalement changer leur condition socio-culturelle. La présence française entraîna une scolarisation massive des enfants de la communauté, dans les écoles de l’Alliance Israélite Universelle et dans les écoles publiques de la République, une très rapide mobilité sociale et une francisation du mode de vie de ses membres. Tout en gardant une identité forte, les Juifs de Tunisie se sont ainsi déportés du côté de la France à laquelle ils devaient l’accès à la culture universaliste et vers laquelle la moitié d’entre eux, relativement plus nombreux parmi les couches supérieures et intermédiaires, émigreraient après l’indépendance tunisienne, l’autre moitié, beaucoup plus populaire et donc moins francisée, choisissant de se fixer en Israël. La dynamique culturelle déciderait donc de leur destinée que les avatars de la politique franco-tunisienne et le conflit israélo-arabe allaient précipiter.

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