Pratiques d’embauche en situation coloniale : les Messageries Maritimes du golfe d’Aden (1862-1940)

Gouverner les populations dans le golfe d’Aden
Par Laurent Jolly
Français

Les entreprises de navigation constituèrent à partir du XIXe siècle les vecteurs de la présence coloniale et commerciale des Européens, mais aussi des circulations entre les États dominés et le vaste monde. Les Messageries Maritimes furent l’une des plus puissantes compagnies de navigation française ; dès 1862, leurs navires reliaient Marseille à l’Indochine, d’autres destinations suivirent au-delà de Suez parallèlement à l’expansion coloniale française. Cette compagnie de navigation, très implantée dans l’océan Indien, recherchait dans ses ports d’escale la main-d’œuvre meilleur marché nécessaire au bon fonctionnement de ses navires et à la satisfaction de sa clientèle. Dans les salles des machines de ses paquebots, des milliers de chauffeurs recrutés à Aden ou à Djibouti constituèrent un salariat recherché par une compagnie soucieuse de limiter ses coûts d’exploitation dans un contexte de concurrence commerciale exacerbée. Non seulement cette compagnie de navigation instaura une relation privilégiée avec ses chauffeurs yéménites, mais ses pratiques mettent au jour les tensions entre une entreprise subventionnée, mais attachée au libéralisme, et des autorités coloniales soucieuses de contrôler et limiter les circulations vers la métropole sans pénaliser le monde des affaires. L’entreprise fut une actrice majeure des courants migratoires en provenance du golfe d’Aden, et ses intérêts passèrent avant le respect d’une réglementation des circulations humaines élaborée progressivement en Europe.

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