La gamelle ou la cantine ? Formes et enjeux de la restauration dans les témoignages écrits ouvriers depuis 1945 |
Résumé
Les pratiques alimentaires sur le lieu de travail occupent une place particulière dans les témoignages écrits ouvriers de type autobiographique. L’examen des comportements et des stratégies alimentaires renseigne à la fois sur les lieux et les temps de repas et de pause, sur les types de nourriture ainsi que sur les sociabilités à l’œuvre. L’atelier apparaît comme un lieu important de consommation, notamment dans les récits publiés dans l’immédiat après-guerre. Si plusieurs témoignages révèlent des habitudes ancrées, une fidélité au repas sur le lieu du travail, répondant au besoin de recréer un espace familier, d’autres ouvriers préfèrent les espaces extérieurs à l’usine ou au chantier et « sortent du travail », dans les restaurants ouvriers, au café, mettant à distance le lieu du travail. Qu’elles soient ordinaires ou festives, les pratiques alimentaires s’inscrivent dans les rythmes quotidiens du travail et les témoignages révèlent des liens complexes entre des temps a priori différenciés, celui de la production et celui du repas. Derrière la grande variété de comportements, les témoignages laissent voir une forte socialisation de l’acte alimentaire : se mettre à table au travail demeure le plus souvent un temps partagé. En cela le repas représente une des pierres de touche des sociabilités ouvrières que traduit l’écriture.